Réaction suite aux révélations d’agressions sexuelles commises par l’Abbé Pierre
Ce mercredi 17 juillet, Emmaüs International, Emmaüs France et la Fondation Abbé Pierre ont rendu public un rapport concernant les témoignages de sept femmes qui dénoncent des faits d’agressions et de harcèlement sexuel commis par l’abbé Pierre.
Nous tenons tout d’abord à témoigner notre soutien aux victimes. Il a fallu beaucoup de courage et de force pour témoigner contre un homme aussi apprécié des français.
Nous croyons chacune de ces femmes et les remercions d’avoir mis fin à la culture du silence. Il est temps que vérité et justice soient faites. Leur parole comme celle de toutes les personnes victimes de violences sexuelles, nous permet d’espérer la fin de l’impunité pour les agresseurs, dont la notoriété ne saurait servir de paravent. Une enfance douloureuse, un âge avancé au moment des faits, ou l’obligation de célibat, n’excusent en rien les actes relatés. Rappelons qu’une agression aurait été commise sur une jeune femme mineure.
Nous félicitons le travail effectué par la Fondation Abbé Pierre, qui fait ainsi preuve d’une louable transparence, de respect et d’humanité envers les victimes. Nous tenons aussi à encourager les membres et bénévoles des associations Emmaüs dans cette période troublée par les révélations.
Nous saluons enfin le dispositif de recueil de témoignages mis en place par Emmaüs, et géré par le groupe Egaé. Strictement confidentiel, il s’adresse aux personnes ayant été victime ou témoin de comportements inacceptables de la part de l’abbé Pierre.
Presque 3 ans après les révélations accablantes de la CIASE, cette lamentable affaire s’ajoute aux nombreux faits de violences sexistes et sexuelles qui empoisonnent l’Eglise catholique comme la société. Combien faudra t-il encore de révélations pour que l’aspect systémique du problème soit reconnu ? Ces agressions sont les fruits pourris d’un patriarcat qui exhibe son mépris de l’autre en le déclinant en abus de pouvoir, abus sexuels, abus de confiance. C’est toute une société patriarcale qui permet que ce type d’agressions aient lieu de façon systématique dans toutes les sphères où le pouvoir et le mépris de l’intégrité de l’autre sont à l’œuvre.
Que ces exactions se produisent dans une institution qui s’exerce au nom du Christ, rajoute encore à l’ignominie du crime. Et qu’importe alors l’estime que méritent d’autres actions du prédateur mis en cause ? Le prophète Ezéchiel nous a déjà répondu : “Mais si le juste renonce à sa justice et commet le mal, imitant toutes les abominations que commet le méchant, vivra-t-il ? On ne se souviendra plus de toute la justice qu’il a pratiquée, mais à cause de l’infidélité dont il s’est rendu coupable et du péché qu’il a commis, il mourra” (Ez 18,24). L’abbé Pierre est déjà mort. Que faire de la trace qu’il aura laissée ? Quant à sa fondation, elle n’est pas responsable de ses fautes personnelles même s’il faut entendre qu’au moment des faits, son entourage était au courant de ses agissements, puisque les femmes avaient souvent pour consignes de ne pas être seules avec lui.
Nous regrettons et devons condamner cette culture du silence. C’est elle qui entretient le mal au sein des groupes où ces agressions prolifèrent. A Lyon, Preynat a impunément commis des abominations pendant des années grâce au silence complice de beaucoup ; bien d’autres également ont sévi, parce que l’entourage s’est tu. L’Église catholique est championne de ce mutisme délétère. Elle devrait pourtant comprendre qu’elle entretient ainsi un poison que tout son système exacerbe, ne serait-ce qu’en amalgamant tous les “péchés de chair”, de la masturbation jusqu’au viol, tous mis sur le même plan. En ajoutant à cette sauce infâme qui confond plaisir et crime, une obligation de célibat pour les clercs, le système entretient, chez certains, un rapport altéré à la corporéité – un comble pour une religion de l’incarnation- et le cas de l’abbé Pierre n’en est que le plus récent exemple ; certainement pas le dernier, aussi longtemps que ces mesures de domination cléricale, sans lien avec l’Evangile, continueront d’alimenter le mal.
Puissent ces nouvelles victimes servir la cause d’un respect d’autrui enfin reconnu.
Le bureau du Comité de la Jupe