Changer de Régime

Changer de Régime

Ce qui se comprend, dans les appels lancés de divers côtés, dont bien sûr ceux d’Anne Soupa et Christine Pedotti, c’est un désir, une volonté de faire passer l’Église de l’Ancien à un Nouveau Régime. Le langage qui les exprime implique évidemment une référence politique.

L’Église, après la période révolutionnaire, a continué de fonctionner « à l’Ancien Régime » monarchisant, et le lapsus (?) tout récent d’un évêque qui n’a rien d’un intellectuel des broussailles plonge ses racines dans un inconscient ecclésial encore vivace : loi religieuse, loi civile, laquelle prime sur l’autre ? Depuis Antigone au moins on connaît la tension.

Aujourd’hui les baptisées et les baptisés, citoyennes et citoyens, se savent partie prenante de la vie et de l’histoire du monde, s’y engagent, comprennent qu’autour de la forme de gouvernement républicaine (séparation des pouvoirs) et de la forme d’État démocratique continue de se jouer une partie exigeante et majeure pour notre histoire et notre modernité.
D’où quelques hypothèses mobilisatrices, un pied dans la logique, un autre dans les désirs d’avenir…

Il faut commencer par penser que changer de forme de gouvernement et démocratiser l’institution ne compromettraient en aucune manière la raison d’être de l’Église : annoncer l’évangile. Il serait pour le moins paradoxal, au regard de ladite raison d’être, de tenir la forme monarchique, toujours tentée par le despotisme, pour la structure nécessaire, intemporelle, indépassable de l’Église.

La question décisive de l’organisation concrète du passage de l’ancien au nouveau régime est parfaitement prise en compte par l’appel à la démission des actuels responsables ecclésiaux, lesquels roulent donc plutôt à l’« Ancien Régime ». La question de principe aujourd’hui posée est celle de l’autorité, de son partage, de ses conditions d’exercice.

Il serait impossible de refonder ce qui a trait à l’autorité si on ne commençait par explicitement en déposer la forme ancienne. L’Église (le peuple des baptisés) devrait donc organiser ses États Généraux, mettre en œuvre une Constituante.

Ah ! Si le personnel hiérarchique de l’Église pouvait de lui-même se libérer et libérer sa parole, entrer dans le mouvement général, s’inclure dans la grande exigence de transformation ! S’il pouvait comprendre que ce n’est pas la guillotine qui l’attend ! L’abolition du clivage clerc/laïc au profit de l’unique statut de baptisé, à partir duquel peuvent se répartir les formations nécessaires à l’accomplissement partagé entre toutes et tous, temporaire et renouvelable, des fonctions requises pour faire vivre les communautés me semble être impliquée dans une démarche de refondation. Rien de tout cela ne porterait atteinte par exemple à la dignité d’un « ancien évêque » ni ne signerait sa déchéance, puisque ses compétences particulières tout autant que son sens de la fraternité, sa foi, son espérance et son amour pourraient évidemment continuer à trouver à s’employer et se concrétiser, mais dans un nouveau régime. Ancien évêque, baptisé renouvelé.
Et là évidemment sont « désacralisées » les fonctions. Mais le sacré a-t-il disparu ou s’est-il déplacé ?
(« Du sacré au saint », souffle Emmanuel Lévinas).
Que j’aimerais que ces propos ne soient pas réductibles à l’expression d’un irénisme naïf ! Puisse le réel de l’avenir ne pas sombrer dans les sombres impasses de l’immobilisme.

Gildas Labey