La place des femmes et le fonctionnement de l’Eglise seront largement mis en question à Rome
Le synode qui s’est ouvert ce mercredi 4 octobre à Rome devrait permettre de débattre au grand jour des questions majeures qui se posent à l’Eglise catholique aujourd’hui, entre autres celle de la place des femmes au sein de l’institution.
Malgré un fort courant d’opposition, le pape François a laissé entendre que ce statut pourrait évoluer.
Répondant à une des questions que lui ont posées six cardinaux conservateurs déterminés à maintenir le pouvoir des clercs, le souverain pontife a souligné que l’exclusivité accordée aux prêtres pour célébrer l’eucharistie ne signifiait pas qu’ils devaient être les seuls à participer à la vie de l’Eglise. Tous les baptisés y ont leur place et un rôle à jouer, assure-t-il.
Premier signe de cette évolution : 400 personnes, dont 70 laïcs, autant d’hommes que de femmes, participent à ce synode. Cinq religieuses et cinq religieux non prêtres sont là également et au total, il y aura 10% de femmes parmi ceux qui voteront les résolutions. Ce sera une première pour un synode.
Déterminé à lutter contre le cléricalisme, le pape François agit habilement : citant Vatican II (Lumen Gentium, 10) il rappelle que « le sacerdoce commun des fidèles et le sacerdoce ministériel ont entre eux une différence essentielle. Mais, souligne-t-il dans sa réponse aux doutes exprimés par ces cardinaux conservateurs, il n’est pas opportun de défendre une différence de degré qui implique de considérer le sacerdoce commun des fidèles comme quelque chose de « second ordre » ou de moindre valeur. Les deux formes de sacerdoce s’éclairent et se soutiennent mutuellement
Autrement dit : le baptême confère un sacerdoce qui confie aux laïcs un rôle aussi essentiel que celui des clercs. C’est une manière de minimiser l’importance du sacerdoce ministériel, actuellement placés à tous les leviers de commande et d’influence de l’Eglise, et réservé aux hommes.
François rappelle son opposition à l’ordination des femmes mais assure que le débat doit continuer.
« Il se pourrait que le pape veuille ainsi poser les fondements d’une Église de baptisés et non plus de clercs » écrit Anne Soupa, dans la livraison d’octobre de la revue Projet. Le Comité de la Jupe, créé et longtemps présidé par Anne Soupa a toujours considéré que, compte tenu de tout ce qui pèse sur le ministère ordonné, il était déraisonnable et même suicidaire d’y mettre des femmes pour le moment. Le Comité demande donc la promotion du baptême et des baptisés, hommes et femmes.
Interrogé également par ces cardinaux conservateurs sur la synodalité qui empiéterait, selon eux, sur le rôle dévolu aux clercs, le pape répond que l’Église est un « mystère de communion missionnaire ».
Mais, précise-t-il, cette communion n’est pas seulement affective ou éthérée, elle implique nécessairement une participation réelle : non seulement la hiérarchie, mais tout le Peuple de Dieu, de différentes manières et à différents niveaux, peut faire entendre sa voix et se sentir partie prenante du cheminement de l’Église. En ce sens, nous pouvons dire que la synodalité, en tant que style et dynamisme, est une dimension essentielle de la vie de l’Église.
Tout ne doit pas faire l’objet d’une norme, explique le pape en réponse à une question sur l’éventuellement autorisation de bénir une union homosexuelle. Le droit canonique ne doit pas et ne peut pas tout couvrir, et les Conférences épiscopales, avec leurs divers documents et protocoles, ne doivent pas non plus l’exiger, car la vie de l’Église passe par de nombreux canaux en plus des canaux normatifs.
Autre signal d’une ouverture de la gouvernance de l’Eglise aux laïcs, la question du diaconat devrait être abordée : Catherine Clifford, historienne et théologienne, qui enseigne à l’Université Saint Paul d’Ottawa, au Canada assurait dans un récent entretien au National Catholic Reporter, que la question du diaconat féminin figurait dans le document de travail du synode.
« Tant de femmes assurent aujourd’hui des tâches dévolues aux diacres. N’est-il pas temps de reconsidérer le ministère diaconal pour les femmes ? » s’interroge-t-elle, expliquant que la question de la diversité des ministères serait sûrement abordée par le synode, auquel elle participe et où elle disposera du droit de vote.
Cette première session du synode se terminera le 29 octobre. La seconde aura lieu en octobre 2024.
Elisabeth Auvillain