Lettre à notre futur évêque de Lille
En lien avec les retours du synode sur la synodalité vécue au printemps 2022, et dans l’attente de la nomination d’un nouvel évêque pour le diocèse de Lille, nous avons pris la liberté de réfléchir à envoyer un mot de bienvenue à notre futur évêque que nous ne connaissons pas encore pour lui partager nos attentes sur la vie ecclésiale de notre territoire et plus largement de l’Église universelle.
Dans notre Église bousculée et mise à mal, nous ne voulions pas rester muets. Nous pensons que des chrétiens ont une parole à donner sur la mission des prêtres, des diacres ou des laïcs. Cette Église qui nous a fait découvrir le Christ et devenir ses disciples, nous aimerions qu’elle continue sa mission auprès de tous les baptisés, mais pas que. Vatican II appelle les laïcs à prendre leur place en tant que chrétiens et le pape François parle de disciples missionnaires.
Quelques passages ci-dessous de la lettre signée par plus de 150 personnes et envoyée fin janvier ne veut pas être une critique, mais une lettre ouverte disant ce qui nous tient à cœur et nous semble important pour que l’Évangile et l’Église puissent continuer à être présents dans un monde en mutations constantes.
« Bienvenue à vous, notre nouvel évêque que nous ne connaissons pas encore, dans notre beau et dynamique diocèse de Lille. Nous ne vous attendons pas comme le messie mais, – Comme un pasteur qui se tiendra devant nous, au milieu de nous et derrière nous – (Pape François)
- « Parfois il se mettra devant pour indiquer la route et soutenir l’espérance du peuple » : nous espérons de tout cœur continuer à vivre dans un diocèse en marche, qui ose innover dans la confiance en l’avenir et non dans le regret ou la peur. Vous connaissez peut-être déjà notre diocèse, ou en connaissez sans doute au moins certaines caractéristiques ou particularités.
Les chrétiens du diocèse de Lille, berceau devenu terreau d’un christianisme social au grand cœur, prêtent naturellement une attention particulière aux plus pauvres, aux plus fragiles, aux migrants, nombreux sur notre territoire et celui du diocèse voisin d’Arras.
Puisse notre diocèse être précurseur pour faire avancer la place des femmes, la démocratie dans l’institution ecclésiale en toute transparence et vérité. Pour continuer à la rendre plus verte aussi, à la lumière de Laudato si’ en poursuivant les initiatives déjà lancées.
Nous pensons que l’Église a encore, plus que jamais, des choses à dire et à apporter aux débats de société.
- « D’autres fois il sera simplement au milieu de tous dans une proximité simple et miséricordieuse… »: plus que jamais, nous sommes convaincus que l’Église doit revoir son mode de gouvernance. Nous aimerions que notre nouvel évêque accompagne la diversité, tout en étant conseillé dans ses recherches par d’autres baptisés. Nous souhaiterions être davantage partenaires dans la mission (laïcs engagés ou LEME, diacres et prêtres). Travailler et décider ensemble, notamment au sein du Conseil diocésain de la Pastorale (CDP), heureuse réalisation de votre prédécesseur qui peine parfois à aller au bout de vrais débats.
- « Et en certaines circonstances il devra marcher derrière le peuple, pour aider ceux qui sont restés en arrière et – surtout – parce que le troupeau lui-même possède un odorat pour trouver de nouveaux chemins »: vous savez que des brebis ont choisi de déserter et de quitter le troupeau ces dernières années et plus massivement ces derniers mois. Nous comprenons les multiples raisons qui les ont poussés à s’éloigner :
– Le décalage avec les réalités contemporaines (divorce, homosexualité, fin de vie, handicap, contraception, PMA, …) qui laisse tant de personnes sur le côté. Bien sûr des initiatives existent. Mais restent-elles trop peu visibles pour des raisons « politiques » ?
– La place insuffisante faite aux femmes dans les instances décisionnelles et aux plus jeunes, aux personnes en précarité,…
– Et évidemment le scandale des agressions sexuelles. Dans un climat de lâcheté, d’hypocrisie et d’opacité bien loin de ce que devrait être l’Église, une exigence de rigueur et de transparence vis-à-vis des fidèles semble nécessaire.
Si nous avons pu nous aussi être parfois découragés, nous gardons foi et confiance et serons de tout cœur à vos côtés pour engager notre Église diocésaine sur un chemin de foi renouvelé avec ce désir partagé d’une Église « plus souple, ouverte et simple » ; à l’image, par exemple, des tiers-lieux créés il y a quelques années et qui participent à l’évangélisation des personnes et des mentalités.
Osons de nouvelles approches pour célébrer l’amour de Dieu comme dans les partages « Évangile et vie » mis en place par l’ACI : « Temps préparé par des laïcs où on a vraiment approfondi et bien compris le texte d’Évangile ». Proposons d’autres célébrations, alors que, notamment, les ADAP ont été supprimées : « Ayons un langage libéré, adapté, ludique, humoristique qui a du sens avec des gestes concrets. »
Osons inventer des ministères diversifiés. Pourquoi le sacrement de réconciliation et l’onction des malades ne pourraient-ils pas être donnés par les laïcs alors que les prêtres ne les connaissent pas et que les patients sont accompagnés par des laïcs en mission ?
Dans l’Église d’Allemagne, des célébrations de baptême et de mariage commencent à être présidées par des laïcs chargés d’un ministère reconnu. Des évêques accompagnent cette évolution avec la diminution drastique des prêtres et la difficulté d’appeler des diacres. Et nous, à Lille ?
Dans la joie prochaine de vous accueillir et de vous rencontrer, soyez sûr qu’en union de prière avec le peuple de Dieu du diocèse, nous prions pour vous et votre nouvelle mission. Vous avez d’ores et déjà notre confiance et notre sympathie.
Fraternellement,
Co-auteurs(trices),
Marie Bonduel, Fanny Magdelaine, Yvon Quételart et Daniel Binauld (laïcs – prêtre)