Mariette Mumenthaler

Lettre ouverte à l’archevêque de Cologne

Maria 2.0 est un mouvement de catholiques allemandes qui veulent la reconnaissance des femmes dans l’Église, amis qui s’engagent aussi plus largement pour le changement au sein de l’Église. Dans une lettre ouverte à l’archevâque de Cologne, elles réagissent face à la reprise des célébrations communautaires du culte, qu’elles jugent précipitée, d’autant que là n’est pas la priorité…

Lettre ouverte à l’archevêque de Cologne, le cardinal Rainer Maria Woelki

Cher Cardinal Woelki,

À partir du 1er mai, dans notre diocèse, comme dans d’autres diocèses allemands, les célébrations en communauté avec les croyants seront à nouveau célébrées. Le désir de fraternité est certainement très grand pour de nombreuses personnes en ce moment, notamment pour les prêtres, qui ces dernières semaines ont célébré la messe par procuration devant des bancs vides – la messe comme « source et point culminant de la foi chrétienne », comme le dit le Vatican II. Et de la part d’une partie des fidèles il y a, outre ce désir de communauté, également un désir d’Eucharistie, qui n’a pas pu être célébrée de la manière habituelle ces dernières semaines. Tout cela est bien compréhensible et facile à comprendre. Néanmoins, nous pensons qu’il est erroné et prématuré, à l’heure actuelle, de célébrer à nouveau les offices au sein d’une communauté plus large.

Quelle est l’essence de notre foi chrétienne ? Nous sommes convaincues que le cœur de notre foi est formulé dans le double commandement d’amour de Jésus. L’amour de Dieu se reflète toujours par rapport à l’autre, dans le soin et la responsabilité que je suis prêt à assumer envers mes prochains. Et pour l’instant, pour beaucoup d’entre nous, cela signifie un renoncement : les grands-parents ne peuvent pas voir leurs petits-enfants parce que les visites seraient trop risquées ; des parents ne peuvent pas aller travailler parce qu’ils doivent s’occuper de leurs enfants à la maison ; des existences sont en jeu parce que l’indemnité de chômage partiel ne suffit pas, parce que les portes des magasins doivent rester fermées et que les services proposés ne sont pas utilisés ; les enfants ne sont pas autorisés à voir leurs copains ou copines, ne peuvent pas jouer sur une place de jeu ou au sein d’un club de sport, et ne sont pas autorisés à aller à l’école. Toute la société est invitée à un tour de force avec l’argument solide et valable que les groupes à risque doivent être particulièrement protégés contre l’infection. Appelons cela un acte de solidarité et de charité.

Le signe qui émane de la reprise des services religieux contrecarre presque ce tour de force qui est demandé aux gens, car l’Église catholique n’assumerait pas sa responsabilité à plusieurs niveaux à la fois :

  • Responsabilité envers l’individu : il faut s’attendre à ce que précisément le groupe à risque des plus de 65 ans soit représenté de manière disproportionnée dans les offices. Ceux-ci s’exposent à un risque accru d’infection, surtout si – comme dans notre diocèse – aucune protection buccale n’est prévue et que la communion est distribuée ;
  • Responsabilité envers la communauté religieuse : les célébrations au nombre limité de paroissiens entraîneront automatiquement le refus d’accès à certaines personnes. Certaines ne pourront pas venir du tout (comme les personnes dans les maisons de retraite, qui ne sont actuellement pas autorisées à quitter leurs institutions) ou d’autres encore qui ne viendront pas non plus par sens des responsabilités. Les célébrations ne seront donc pas un signe de communauté mais un signe d’exclusion et de séparation ;
  • Responsabilité envers la société : la société dans son ensemble doit endurer beaucoup de choses durant cette période. Une Église qui persévère aux côtés des gens et qui, avec eux, supporte ce temps de renoncement serait un signe visible de solidarité.

Comme ce serait merveilleux si nous pouvions nous renforcer mutuellement dans le fait que nous ne pouvons jamais tomber hors de Son amour, car selon le message de Pâques, Il est avec nous tous les jours, jusqu’à la fin du monde ! Renforçons-nous par des gestes tels que l’écoute des cloches tous les soirs qui nous rappellent notre communauté et notre prière commune. Encourageons-nous par des actes de charité, tels que l’entretien du panneau d’affichage de notre paroisse, les courses et les achats qui sont offerts bénévolement partout, les messages de Pâques sur les fenêtres et dans les rues. Encourageons-nous également par des gestes de foi que nous pouvons nous-mêmes célébrer – bénir le pain et les mains qui l’ont préparé, lire des textes spirituels et en parler, savoir que nous sommes unis dans la prière. Et dans cet encouragement, nous pouvons partager l’assurance qu’aucune faim et aucune soif ne peuvent être plus grandes que la promesse pascale de Jésus.

Nous aimerions qu’au lieu de mesurer les églises avec des rubans métriques à cause des règles de distance, les prêtres aillent dans les cours et les parcs des maisons de retraite, équipés d’une bonne sono et que les personnes âgées puissent regarder par les fenêtres. Qu’ils les encouragent à parler, à chanter ensemble en leur assurant que rien ne peut nous séparer de l’amour de Dieu !

Dieu a besoin de nous au milieu du peuple, parce qu’il porte son visage. Il n’a certainement pas besoin de nous pour animer les églises en ces temps où tout le monde ne peut pas être invité et où ceux qui viennent prennent un risque.

Nous vous prions ardemment de prendre tout cela en considération !

Avec nos meilleures salutations

Pour Maria 2.0, Maria Mesrian, répondante

Traduction : Mariette Mumenthaler – 28 avril 2020