« Nous demandons l’accès à tous les ministères pour les femmes »
Des organisations de femmes catholiques germanophones d’Allemagne, du Tyrol du Sud et de Suisse ont élaboré des exigences pour une Église paritaire. Parmi elles : Simone Curau-Aepli, présidente de la Ligue suisse de femmes catholiques.
Les responsables des organisations féminines catholiques de Suisse, d’Allemagne et du Tyrol du Sud ont adopté un document de prise de position ce week-end. Qu’est-ce qui est important pour toi ?
Simone Curau-Aepli : Nous attestons de la même dignité et des mêmes droits pour tous, et dans ce document de prise de position, nous demandons l’accès à tous les services et ministères pour les femmes. C’est notre priorité principale.
Cela a-t-il été discuté ce weekend ?
Simone Curau-Aepli : Cela n’a pas dû être beaucoup discuté car dans ce domaine, nous montrons une grande unité, même si des différences de détail existent encore selon les différentes nations.
Pourquoi le diaconat des femmes est-il mis en avant ?
Simone Curau-Aepli : C’est indiqué parce que les organisations de femmes allemandes l’exigent ainsi. Nous avons également discuté de l’opportunité de mentionner la prêtrise des femmes, mais nous nous sommes décidées de ne pas l’inclure vu que, comme d’ailleurs le diaconat des femmes, cela fait partie de la demande d’accès à tous les ministères.
« Le diaconat des femmes est une impasse pour nous. »
Pourquoi les organisations de femmes allemandes et suisses jugent-elles différemment le diaconat des femmes ?
Simone Curau-Aepli : Nous avons deux voies différentes qui devraient mener au même but. Il est important pour les femmes allemandes de vouloir le diaconat des femmes dans un premier temps – afin d’ouvrir des portes pour de nouveaux changements en faveur des femmes. L’accès au diaconat est facile à justifier, même en interne dans les associations, car les femmes sont déjà fortement représentées dans la diaconie. La demande pour le diaconat est répandue en Allemagne : elles célèbrent le jour de la diaconie chaque année le 29 avril. Pour nous, Ligue suisse de femmes catholiques, la diaconie est une impasse. Nous voulons avoir accès à tous les ministères. C’est ce que nous avons toujours dit : nous l’avons déjà formulé précédemment.
Cette prise de position a déjà paru en 1989.
Simone Curau-Aepli : Oui – et la similitude des demandes est stupéfiante. Cela montre que peu de choses ont changé. Par rapport à la prise de position précédente, l’actuelle s’est affinée. Par exemple, lorsqu’il s’agit d’homosexualité, nous sommes socialement à un endroit différent de celui d’il y a 30 ans. Seule l’Église officielle n’a guère progressé.
Les homosexuels ne sont pas explicitement mentionnés dans le document. Au lieu de cela, il est demandé que « toutes les personnes, quelles que soient leur situation de vie, leur mode de vie et leur phase de vie, soient accompagnées, protégées et soutenues ». Simone Curau-Aepli : Nous n’avons pas ajouté de détails. Notre attitude vis-à-vis des homosexuels se retrouve dans les déclarations des organisations. Elles sont assez identiques, pour l’essentiel, nous sommes d’accord au-delà des frontières.
« Nous voulons participer et prendre des décisions ensemble. »
Qu’est-ce qui est le plus important pour vous dans ce document de base ?
Simone Curau-Aepli : La déclaration « Nous voulons un accès paritaire à tous les services et ministères. » Et – ce n’est pas explicite : nous voulons dialoguer et participer aux prises de décision de l’Église. Pour nous, c’est important. Il n’est pas permis que le Vatican discute des femmes et que les femmes ne soient pas impliquées dans ces discussions sur un pied d’égalité. Les changements structurels et substantiels que nous demandons sont explicités dans le document.
Le papier semble montrer une vision de l’Église.
Simone Curau-Aepli : Nous avons tout concentré sur les quatre modes d’action de l’Église. Ainsi, célébrer la foi, annoncer la Bonne Nouvelle, être au service et vivre la communauté. C’est parce qu’on nous demande souvent : comment imaginez-vous une église fraternelle ? Telle est notre réponse maintenant. Elle montre ce que nous exigeons et comment nous sommes déjà impliquées de manière significative dans le renouveau de l’Église aujourd’hui.
« Il y a un besoin urgent d’une voie suisse pour un renouveau dans l’Église. »
Et quelle est la suite ?
Simone Curau-Aepli : Il s’agit d’un document de politique ecclésiale qui s’adresse aux évêques et autres responsables de l’Église et est largement diffusé via les médias. Dans le même temps, nous voulons ancrer notre position au sein de notre organisation. Nous voulons montrer aux femmes de notre base quelle est notre position et leur demander de la soutenir. Parce que notre base nous légitime d’être actives vers l’extérieur. Il y a également un besoin urgent d’une voie suisse pour un renouveau dans l’Église, et nous sommes prêtes à y apporter notre contribution active.
« Nous, les organisations de femmes, voulions fixer des enjeux. »
La réunion coïncidait-elle par hasard avec la rencontre du chemin synodal en Allemagne ?
Simone Curau-Aepli : Je ne pense pas qu’il y ait de coïncidence. Les deux rencontres sont nées de la même urgence de réforme, tout comme les initiatives lancées récemment. Cette interaction à tous les niveaux n’est pas le fruit du hasard. Nous, les organisations de femmes, voulons maintenant éclairer les défis de notre prise de position. Dans la politique ecclésiale, des déclarations claires sont nécessaires, parce que le côté conservateur est également en train de se former.
La rencontre a également soulevé la question de nouvelles initiatives des femmes dans l’Église.
Simone Curau-Aepli : C’était un autre sujet important. Nous, représentantes d’organisations, sommes d’accord : nous voulons aborder ces nouvelles initiatives, telles l’Initiative Junia ou celle du Conseil des femmes catholiques / Catholic Women’s Council CWC. Nous nous associons parce que nous représentons des préoccupations communes. Dans le même temps, nous avons réfléchi sur nos points forts.
Quelles forces ?
Simone Curau-Aepli : Contrairement aux initiatives spontanées, nous sommes plutôt posées. Nous sommes organisées démocratiquement et légitimées pour cela, et nous avons des ressources. Maintenant que nous travaillons en étroite collaboration, des processus passionnants développent ce défi et nous encouragent.
« L’urgence des changements est un grand défi pour nous. »
Un exemple de cela ?
Simone Curau-Aepli : Par exemple la grève des femmes en juin dernier. Organiser cette grève en six mois a été très exigeant pour nous. Le budget de 2019 avait déjà été annoncé à l’automne 2018, alors que nous ne savions rien de la grève des femmes. Les ressources humaines et financières étaient donc déjà prévues mais pas adaptées. Lorsque l’idée de la grève des femmes est venue, nous avons dû dire : que faisons-nous maintenant ? Qu’est-ce qui est important maintenant, où utilisons-nous nos ressources ? Avec qui pouvons-nous nous allier ? La grande urgence des changements nous met au défi en tant qu’organisation, mais c’est aussi motivant.
« Les problèmes sont partout. »
Votre conclusion sur la réunion ?
Simone Curau-Aepli : L’échange personnel nous renforce incroyablement ; cela encourage chacune de nous à poursuivre notre travail. Nous, les organisations de femmes, sommes souvent confrontées à l’argument du coup de grâce : il s’agit d’un problème purement suisse ou allemand. Nous devons contrer cet argument. Bien sûr, en tant qu’organisation, nous sommes actives au niveau local, cantonal et national. Mais les problèmes sont partout. C’est pourquoi nous devons nous ouvrir à l’international – pas seulement parmi les organisations germanophones. Le tout nouveau Conseil des femmes catholiques (CWC) a élargi le réseau des femmes catholiques engagées et l’a rendu plus international. Nous faisons partie d’un ensemble plus large que nous avons co-fondé à Stuttgart.
Regula Pfeifer (journaliste) – kath.ch le 4 février 2020
Traduction 27 février 2020 – Mariette M.