Oser un corps libéré

Nuit étoilée, bise estivale, écrin de verdure. Nous voici arrivées à l’abbaye Sainte Marie de
Maumont en Charente pour trois jours de conférences, partages, questionnements, remises en
question et ateliers. Le corps, le saint, et le sacré ; l’Eglise et la sexualité ; l’étude d’un texte
libertin ; la question du désir ; Etre corps et faire corps chez les Bénédictines….voilà les portes
que nous poussons pour apprivoiser le thème de notre week-end : Oser un corps libéré. Il serait
vain d’en faire le compte rendu exhaustif que l’on trouve par ailleurs sur le site, car ce dont je
souhaite rendre compte ici est l’Espérance de cette Pentecôte où se mélangent histoires,
expériences, ressentis, pensées qui s’appellent, s’interpellent, se confrontent. Le tout dans un
climat de doux sourires, de regards chaleureux, de transmission passionnée des plus âgées aux
plus jeunes, et vice-et-versa, de discussions profondes et légères à la fois.

Oser.
C’est peut-être faire voler la peur en éclat, pour retrouver le chemin ajusté
Entre le coeur, le corps et l’esprit. Entre le masculin et le féminin. Entre mâle et femelle. Entre
plaisir et désir. Sexualité et sensualité.
C’est l’audace de se retrouver, de discuter, de s’accueillir, de ressentir
Laisser libre cours à l’émotion qui vient, sans crainte ni honte
C’est porter un autre regard sur ce qui nous a été patiemment inculqué
Sous intra veineuse pendant des millénaires
C’est remettre en question un héritage historique biblique, culturel,
Pour redresser la barre tordue, trop longtemps tordue.
En apportant de la nuance, des perspectives historiques, littéraires, psychologiques,
théologiques
Le seul risque étant de marcher un peu plus loin sur le chemin de la vérité et de la vie.
C’est plonger dans l’articulation entre qui je suis, ce que je crois, ce que je fais.

Un corps.
Des corps.
Sexués, différents, vécus, jeunes, vieux,
Marqués, violés, agressés, ternis, enfermés, craquelés, malades, avortés,
Et beaux, rayonnants, présents, souriants, embrassants, fraternels, doux, harmonieux, aimants.
De ces corps singuliers et uniques, nous en avons fait un corps puissant, déterminé,
enthousiaste, joyeux
Sans rien enlever, sans rien compromettre de qui nous sommes
Nous avons chacun.e tendu vers notre coporanéité, à notre manière,
Porté.es par la danse, la musique, la marche.
Pour rejoindre l’émerveillement d’un corps en mouvement,
D’un corps vibrant, d’un corps pétri de vie.
Dans les pieds qui traduisent la musique,
Dans les sons qui résonnent dans l’oratoire,
Dans la contemplation des blés au couchant,
Se trouve l’unité de nos êtres.

Libéré.
Se laisser traverser par l’esprit d’une Pentecôte, où la ligne de crête consiste à rechercher
ensemble ce qu’est notre liberté d’être, d’aimer, de ressentir.
Ce vent de liberté appelle à être et à faire, à laisser libre cours à ce que nous attendons
De la société, de l’Eglise, de nous-mêmes aussi.
Sans rien laisser de côté, sans rien dénier.
Il faut s’armer : se former, s’essayer au débat, apprendre à dire, à bousculer,…
Pour que les idées archaïques vacillent jusqu’à tomber,
Et que s’incarne le changement auquel nous aspirons.
Le corps d’une femme est libre. Y compris dans l’Eglise.

Polyphonie de voix, panorama d’idées,
Sens éveillés, goût d’un supplément d’âme :
Dans le profond silence d’une nuit d’été
Rayonne au cœur d’une abbaye, des voix de femmes
« Oser, osez, osons, un corps, notre corps libéré »

Fanny Rampini