Réponse du comité de la Jupe au communiqué de l’Archevêque de Lyon

Photo de la basilique de Fourvière

L’archevêque de Lyon a publié un communiqué sur le site de son diocèse juste avant le vote du Sénat sur l’Interruption Volontaire de Grossesse, mardi 27 février 2024.

Il dénonce ce qu’il nomme des lois « sociétales » qui « se focalisent sur des droits individuels » au souci de ce dont aurait besoin « la société tout entière ». Et il déclare ainsi : « Nous sommes en réalité tous concernés par la question de l’IVG ». Voilà un bien étrange propos de la part d’un homme célibataire chaste qui n’est ni conjoint ni père. Si nous sommes en effet toutes et tous concernées, c’est dans l’accompagnement des personnes qui ont recours à l’IVG, ce n’est pas pour juger du bien fondé de cette décision.

Ainsi le communiqué d’Olivier de Germay nous oblige à interroger ce qu’est la vie et de quelle vie on parle. Au regard de la loi française, un embryon n’est pas un être humain contrairement à la femme qui le porte. Et pour l’Eglise du Christ ? Si on reprend les interrogations pré-scolastiques sur la venue de l’âme à l’intérieur du corps fécondé, qui oserait prétendre et selon quels appuis théologiques qu’un être humain existe dès sa conception ? Et d’ailleurs, a-t-on jamais vu de funérailles religieuses lors d’interruptions naturelles précoces de grossesse ? Si la tradition a interdit l’avortement, ne serait-ce pas plutôt pour relier l’acte sexuel à la seule procréation, en déniant tout accès à la notion de plaisir ? Dans une religion de l’Incarnation, c’est osé. Et au regard de l’enseignement biblique, c’est oublier que le principe majeur depuis les premiers chapitres de la Genèse est celui de la relation d’amour entre les êtres ; la « multiplication » n’intervenant qu’au niveau symbolique comme signe de bénédiction.

En outre, interférer dans la vie privée, au point d’interdire certains modes de contraceptions, l’IVG, la PMA, revient à s’arroger un pouvoir inacceptable sur le corps des femmes. Parce que quoi qu’en dise ce responsable clérical, ce sont bien des femmes et d’elles seules dont il doit être question ; la société n’a rien à dire sur ce que chaque personne décide de faire de son corps. Evoquer le respect d’un être « fragile » fait passer pour quantité négligeable ce que rapportent les gynécologues ! L’une d’entre elles nous alerte à la lecture de ce communiqué. « Les femmes que j’ai suivies et qui ont subi ou fait la demande d’une interruption de grossesse ne sont jamais venues de gaîté de cœur dans mon cabinet. Leur prêter une légèreté d’intention, voire une inconséquence, est indigne et irrespectueux pour les personnes qu’elles sont et qui ont été à un moment de leur vie confrontées à un choix douloureux. » Elle ajoute : « Qui sommes-nous pour savoir mieux que les femmes elles-mêmes ce qui est bon pour elles ? Ce qui manque à notre société, plutôt que de condamner ces femmes, c’est de les accompagner dignement, sans un jugement déplacé et infantilisant – et pire, une exclusion, qui renforcerait leur isolement. Il est de notre devoir de les écouter, de les entendre, de les conseiller, de les accompagner. Les juger ou les contraindre serait une véritable atteinte à la dignité de leur vie humaine. »

N’est-ce pas le propre du cléricalisme de se scléroser alors que la tradition doit être vivante ? Le pape François l’a expliqué lors des JMJ de Lisbonne : « La vision de la doctrine de l’Église comme un monolithe est erronée. […] Quand on recule, on forme quelque chose de fermé, de déconnecté des racines de l’Église et on perd la sève de la Révélation. […] Aujourd’hui, […] la peine de mort est un péché, elle ne peut pas être pratiquée, et ce n’était pas le cas auparavant ; quant à l’esclavage, certains Papes avant moi l’ont toléré, mais les choses sont différentes aujourd’hui.1»

Le prélat lyonnais fait de la morale à bon marché et de la fausse politique en se demandant si « Verrouiller définitivement les choses pour anticiper une telle hypothèse, [ne serait pas] un déni de démocratie. » Mais le respect de ses frères et sœurs, l’accueil inconditionnel de leur liberté quand celle-ci ne nuit à aucune personne, ne sont-ils pas le propre de notre mission au service de l’Evangile ?

Depuis l’intervention lyonnaise, l’épiscopat tout entier s’émeut, ressassant les mêmes arguments fallacieux et feignant de croire que la loi amoindrirait la liberté de conscience du corps médical.

Faut-il encenser les populismes qui tantôt prennent des relents homophobes, tantôt sexistes… et oser les brandir, comme il y a un siècle, au nom du Christ ? Espérons que ces voix de sinistre mémoire ne convaincront personne. Heureusement, les résultats du vote du Sénat, à la suite de celui de l’Assemblée Nationale, sont encourageants. Nous sommes nombreuses et nombreux, femmes et hommes catholiques à être scandalisés par les propos de l’évêque et à nous réjouir que la liberté de recourir à l’interruption volontaire de grossesse soit désormais inscrite dans la constitution.

Le Comité de la Jupe, groupe local de Lyon.

1 Voir Salvatore Cernuzio, « Aux jésuites portugais, le Pape rappelle que la porte de l’Église est ouverte à tous », Vatican News, 28 août 2023 (disponible en ligne).


Crédits photo : vegonaise