Sainte Odile, du rejet à l’accomplissement

Il y a 1300 ans mourait sainte Odile, fondatrice et première abbesse de l’abbaye au sommet du mont qui porte désormais son nom. Alors que s’achève ce jubilé, une nouvelle lumière peut tenter d’éclairer sa vie.

Sainte Odile (660-720), abbesse de ce qui est devenu le Mont Sainte-Odile, patronne de l’Alsace, a vécu depuis sa naissance une singulière histoire qui aujourd’hui fait écho à la place des femmes dans l’Église.

Fille du brutal duc Adalric, celui-ci, lorsqu’il apprend à sa naissance qu’il s’agit d’une fille – qui plus est, aveugle – ordonne qu’on la tue…Aux suppliques de Bereswinde, la mère de l’enfant, il accepte de lui laisser la vie à condition qu’il n’entende plus jamais parler d’elle !

Ayant moi-même été rejetée par mon père à la naissance parce que j’étais une fille, j’avais senti un appel à venir trouver, à l’occasion de l’anniversaire de ma naissance, quelques lumières au Mont Sainte-Odile.

Quelle n’a pas été mon étonnement, une fois arrivée dans ce haut-lieu chargé d’histoire, dominant magnifiquement la plaine d’Alsace, de constater que le rejet de la petite Odile pour son identité de fille était minoré, voire occulté dans les différents récits de sa vie, et que rien de cet événement pourtant crucial ne faisait l’objet d’une mise en valeur, en vue d’une signification porteuse d’espérance pour les pèlerins et visiteurs. Si la guérison miraculeuse de la cécité de sainte Odile le jour de son baptême est légitimement mise en lumière pour soutenir toutes les aspirations à retrouver la vue, rien n’apparaît sur le rejet de son identité de femme.

Ce déni, vieux de treize siècles, a singulièrement résonné dans mon esprit avec la question de la place des femmes dans l’Église d’aujourd’hui.

C’est pourquoi je formule le vœu que l’on puisse faire la lumière sur cet angle mort de l’Église, sur l’ombre qui plane sur les femmes, que sainte Odile incarne pour l’instant dans le plus grand secret.

Parmi les miracles attribués à sainte Odile, une source jaillie d’un rocher qu’elle avait frappé avec son bâton pour désaltérer un malade. Espérons que du rocher du déni, devant lequel depuis treize siècles si nombreux sont ceux qui sont passés sans le voir, puisse jaillir en abondance la source d’une vie cachée jusque-là.

Il me semble que la vie religieuse accomplie qu’elle a pu vivre par la suite en tant qu’abbesse et fondatrice – à la suite du miracle du jour de son baptême où elle a recouvré la vue – est un signe de la résurrection qui lui a été donnée malgré les terribles circonstances de sa naissance, signe qui pourrait être prophétique pour la place des femmes dans l’Église d’aujourd’hui.

Je termine par une prière que j’ai tenté d’écrire sur cet aspect méconnu de sainte Odile. J’espère que beaucoup se reconnaîtront et pourront, par son intercession, recouvrer la plénitude de leur identité.

À sainte Odile,
Vous qui avez été persécutée à la naissance parce que vous étiez une fille,
Vous qui, ayant recouvré la vue par un miracle le jour de votre baptême,
avez aussi recouvré votre dignité dans une vie accomplie de religieuse,
Par votre intercession, aidez toutes celles et ceux qui sont persécutés pour ce qu’elles ou ils sont,
à accueillir dans la joie, et accomplir dans la vérité, l’identité que le Seigneur, dans sa grande bonté, leur a donnée.
Seigneur, du rocher du rejet, fais jaillir la source de vie en abondance.

Et si vous voulez découvrir les merveilles et les mystères de la vie de sainte Odile : https://www.mont-sainte-odile.com/

Delphine Teillard

À lire aussi, l’article de Vincent Klein, sj : https://www.jesuites.com/femmes-erudites-et-inspirantes/