« Seuls les hommes peuvent devenir prêtres.» Vraiment ?
Le comité de la Jupe s’est ému de la publication dans le quotidien « la Croix » le 30 août dernier, d’une tribune signée par le prêtre parisien Luc de Bellescize, qui assure que, seuls les hommes peuvent devenir prêtres.
Ses propos ont provoqué la colère de nombreux théologiens. Car les arguments du père de Bellescize ne sont pas d’ordre théologique, mais sociologique : le Christ était un homme, filles et garçons sont différents, être servants d’autel peut encourager les garçons à vouloir devenir prêtres etc.
Seule référence à la théologie, ces mots : « il ne s’agit pas là d’une affaire d’opinion mouvante et discutable, ni d’une convenance historique déterminée, mais de l’obéissance à la symbolique même de la Révélation (…) « Il ne s’agit évidemment pas d’une différence de « dignité » dans le service liturgique, mais d’une complémentarité créatrice qui honore la distinction et l’unité entre le Christ et l’Église, l’autel et l’assemblée. L’argument le plus fondamental en faveur d’une différenciation des groupes est donc celui d’honorer la logique même de l’Alliance. La liturgie revêt une dimension symbolique essentielle au déploiement du mystère. Le « pôle masculin » est le signe de l’époux. »
Cet argumentaire n’est pas nouveau et il est sans doute partagé par beaucoup de clercs, qui refusent de reconnaître que les temps ont changé, que toute religion s’incarne dans une culture, elle-même en évolution constante et surtout qu’hommes et femmes sont égaux en droit.
Les propos de ce prêtre, publiés dans le cadre d’une enquête du journal sur le rôle des servants et servantes d’autel, sont aujourd’hui insupportables pour beaucoup, notamment des théologiens.
Cette tribune entretient une confusion doctrinale, écrit Arnaud Join-Lambert, professeur de théologie à l’Université catholique de Louvain, dans une tribune publié par « La Croix » le 13 octobre.
L’affirmation que Dieu ne s’est pas fait femme, donc qu’il s’est fait mâle, est même une erreur doctrinale. Lorsque les chrétiens proclament que le Verbe s’est fait chair (Jn 1), c’est l’humanité que Dieu lui-même rejoint. Si Jésus le Christ était évidemment un homme-mâle, c’est l’humanité tout entière qu’il assume et transcende.
S’y ajoutent une lecture spiritualisante qui surinterprète une différence sexuée dans les récits de la Genèse et une non-prise en considération de l’unité fondamentale de la liturgie (Vatican II, Dei Verbum 21). La réforme liturgique modifie ainsi les rapports entre les espaces liturgiques, dans lesquels tous les ministres, ordonnés ou non, se déplacent. De tout cela émerge une confusion regrettable, car on ne sait plus quoi penser.
« Dieu ne s’est pas fait homme mais le Verbe s’est fait chair; tout au plus peut-on aller jusqu’à dire que Deus homo factus est, Dieu s’est fait humain. » renchérit une théologienne.
« Ce propos public, parce que tenu par un prêtre, regrette-t-elle, est pris pour argent comptant par des fidèles…»
« On ne se demande pas combien ces propos sont humiliants pour les femmes qui sont toujours des « sous-hommes » et surtout, on ne se demande jamais quelle image de Dieu on donne ainsi au monde. Le pauvre Dieu, il a le portrait bien cabossé : il est sexualisé et virilisé de la façon la plus mâle qui soit. » regrette-t-elle.
Les évêques interviennent rarement pour expliquer un point de théologie et ne commentent pas les prises de position de leurs prêtres, jusqu’à un certain point.
« Il est alors urgent de se demander à quoi servent les théologiens et théologiennes, à quoi servent les textes dogmatiques de l’Église, à quoi servent les évêques. Que répondre à de tels arguments alimentant la confusion ? » poursuit Arnaud Join-Lambert.
« Il est dans la charge des évêques de statuer sur le bienfait et le bien-fondé d’une pratique, d’autant plus lorsque le travail des théologiens et théologiennes en montre les enjeux fondamentaux.
La théologie liturgique établit ici qu’il n’est plus possible d’exclure les filles du service de tout ou partie de la messe, comme il n’est plus possible d’exclure les femmes du service de la parole de Dieu et du service de l’eucharistie. Justement à l’heure où la question de ces ministères est à l’ordre du jour des travaux de plusieurs conférences épiscopales, il serait étrange que les évêques laissent encore se développer cette pratique des servantes de l’assemblée sans mener ce discernement et prendre position individuellement ou collégialement. » conclut-il.