Derrière la polémique à Stanislas: une vision mortifère de la sexualité et du genre
L’enseignement proposé par l’Église catholique sur les questions de la sexualité et du genre infuse encore largement dans l’enseignement privé catholique et la société en général. La récente polémique autour de l’établissement Stanislas le place sous une lumière crue et appelle à une réaction de l’institution, pour réformer sa morale sexuelle et son approche de l’éducation à la vie affective.
Ces dernières semaines, la ministre de l’Éducation nationale Amélie Oudéa-Castera s’est trouvée entraînée dans une succession de polémiques au sujet de la scolarisation de ses enfants dans l’établissement privé catholique Stanislas. Ce dernier, bastion de la bourgeoisie catholique parisienne, a fait l’objet d’une enquête journalistique qui pointait, dès mai dernier, une atmosphère décomplexée d’homophobie et de sexisme en son sein.
Ainsi, dans les supports des cours d’éducation à la vie affective de Stanislas, il est demandé aux jeunes femmes de “ne pas provoquer le regard du garçon”. Et l’ouvrage de référence d’ajouter : “La façon dont tu t’habilles aidera ou non le garçon à maîtriser son regard, et donc aussi ses gestes.” Il s’agit là d’une manifestation explicite de la culture du viol, qui inverse la responsabilité des violences sexuelles et apprend aux jeunes hommes à se considérer comme des prédateurs en puissance. Cette obsession toxique sur la tenue vestimentaire et l’apparence des filles est manifeste dans le règlement intérieur, où les préconisations spécifiques aux « jeunes filles » sont deux fois plus longues que celles pour les « garçons », avec un niveau de détail qui confine au ridicule. Paradoxalement, cette démarche est révélatrice d’un regard sexualisant sur le corps des jeunes femmes, et du souhait de maintenir un contrôle ferme sur ce dernier. Que dire enfin de l’ancien directeur, qui interrogeait régulièrement les jeunes hommes de l’établissement : “Est-ce que vous vous masturbez ? A quelle fréquence ?”
Comment en est-on arrivé là ? Ces dérives ne sont malheureusement pas surprenantes au vu de la morale sexuelle proposée par l’institution catholique et reprise ici telle quelle. Le directeur actuel de l’école ne s’en cache d’ailleurs pas, justifiant son refus de condamner l’homophobie à Stanislas par sa fidélité à l’Évangile (lequel?) lors d’une interview sur BFMTV. De fait, le Vatican s’arc-boute sur une vision archaïque, selon laquelle la sexualité ne peut se comprendre qu’en lien avec la procréation, contraception et homosexualité se trouvant de facto condamnés. Cette approche simpliste, basée sur l’interdit, conduit à une échelle de valeur aberrante et révoltante pour nos contemporains, qui associe au même péché la masturbation, l’adultère et le viol. Les conséquences d’une telle confusion sont dramatiques, comme l’a pointé du doigt le rapport de la CIASE relatif à l’ampleur des violences sexuelles dans l’Eglise.
Dans l’Eglise et la société, il y a pourtant urgence à éduquer les jeunes générations à une sexualité respectueuse et au consentement, en témoigne la récente enquête du HCR, qui met en évidence le « backlash » sexiste à l’œuvre. Il y a ainsi de quoi s’inquiéter quand 23 % des hommes de moins de 35 ans estiment “qu’il faut parfois être violent pour se faire respecter”. Faut-il rappeler également que 37% des françaises disent avoir déjà subi des rapports sexuels non consentis ?
Catholiques et féministes, nous demandons à l’institution et aux évêques de clarifier quelle éducation sexuelle et affective ils souhaitent pour les jeunes dont ils ont la charge directement ou indirectement, de l’enseignement catholique aux aumôneries paroissiales. Le Comité de la Jupe est prêt à entamer une discussion à ce sujet avec les évêques de France. Nous souhaitons que les jeunes générations soient éduquées aux valeurs catholiques d’amour, de tolérance et de justice et non qu’elles baignent dans une culture misogyne et homophobe, qui n’a rien à voir avec l’Evangile et notre foi.