Un projet de Constitution pour l’Eglise catholique

A l’approche du synode sur la synodalité, de nombreux catholiques appellent à une réforme en profondeur du fonctionnement de leur Eglise. C’est dans ce contexte que l’Institut Wijngaards (Wijngaards Institute for Catholic Research) centre de réflexion sur les questions théologiques contemporaines, fondé en 1983, a publié un document proposant un projet de constitution pour l’Eglise Catholique.

Pourquoi une constitution ?  La plupart des états modernes en sont dotés : c’est un texte qui définit les droits et les devoirs fondamentaux de ses citoyens. Elle sert de base aux textes de loi d’un pays.

Mais l’Eglise n’est pas un état comme les autres, même si elle est membre de plusieurs organismes internationaux comme le conseil de l’Europe, par exemple. A-t-elle besoin d’une constitution ?  Ses membres ne sont-ils pas d’accord sur les valeurs spirituelles qu’ils partagent ?

Pour John Wijngaards, fondateur de l’Institut qui porte aujourd’hui son nom, l’Eglise est une structure humaine, donc faillible. Il serait bon qu’elle se dote d’une constitution.

L’institution elle-même reconnait que sa structure est humaine. Il suffit de voir aujourd’hui les dérives qui la traversent : maintien d’une structure féodale et hiérarchique, existence d’une caste sacerdotale exclusivement masculine détenant tous les pouvoirs.  etc. Une telle structure a favorisé les dysfonctionnements en nombre mis au jour aujourd’hui, notamment les abus sexuels sur mineurs commis par les responsables d’une Eglise dont la charge est pourtant de défendre les plus petits et les plus faibles. Comment transmettre le message de l’évangile dans une structure aussi inadaptée ?

L’idée de doter l’Eglise d’une constitution n’est pas nouvelle : au lendemain du concile Vatican II, le pape Paul VI créé en 1965 un groupe de travail en vue d’en écrire une, pour servir de socle au droit canon.

Arrivé au pouvoir, le pape Jean Paul II a mis de côté ce texte, pourtant achevé.

L’Association pour les droits des catholiques dans l’Eglise a publié un nouveau projet de constitution en 1998.

L‘Institut Wijngaards s’est inspiré de ces textes pour proposer en 2015 un texte appelant à réformer l’exercice de l’autorité dans l’Eglise. Des théologiens aussi respectés que le Suisse Hans Küng et l’Allemand Bernard Häring, ont participé aux discussions, rappelle John Wjingaards dans un entretien à La Croix International.

Sur cette base, un groupe de 24 universitaires venus de 13 pays ont travaillé à l’élaboration de cette constitution sous la direction du professeur italien Luca Badini Confalonieri, auteur de « Democracy in the Christian Church » (2012).

Présenté le 13 septembre 2022, ce projet de constitution comprenant 105 articles se fonde sur sept principes :

  1. Egalité. Tous les baptisés sont égaux en dignité et bénéficient des mêmes droits au sein de l’Eglise.
  2. Coresponsabilité. En vertu de leur baptême, tous les chrétiens sont conjointement responsables pour toute la communauté et peuvent donc participer au processus de prise de décision.
  3. Représentation. Tous les catholiques doivent être représentés au sein des instances de gouvernement et de prise de décision.
  4. Séparation des pouvoirs. Le gouvernement de l’Eglise doit être partagé entre les trois pouvoirs, exécutif, législatif et judiciaire et nul ne doit posséder tous ces pouvoirs à la fois.
  5. Participation. Celui qui préside doit être élu par tous. Le clergé diocésain, les ordres religieux et les conseils paroissiaux doivent participer à l’élection des évêques.
  6. Subsidiarité. Chaque instance de l’Eglise doit pouvoir prendre elle-même les décisions qui la concernent sans en référer nécessairement à un niveau plus élevé.
  7. Responsabilité. Tous les dirigeants de l’Eglise doivent rendre compte régulièrement de leur travail à leur communauté. Les dirigeants sont élus pour un mandat d’une durée limitée.

Ce projet de constitution a été envoyé aux conférences épiscopales des 13 pays des universitaires qui y ont contribué (aucun Français ne figure dans ce groupe) et remis à Sœur Nathalie Becquart au Vatican où elle est sous-secrétaire au Synode.

Ce texte a été reçu avec enthousiasme par de nombreuses associations catholiques à travers le monde, ainsi que par des religieuses et de nombreux dirigeants de l’Eglise.

« Nous ressentons un profond désir de changement dans la manière dont l’Eglise est gouvernée et nous proposons ce projet de constitution comme une graine qui peut en grandissant aider à réformer notre Eglise d’une manière qui changera concrètement la vie de millions de catholiques » conclut John Wijngaards.

Elisabeth Auvillain