Un silence assourdissant
Après la nomination de Mgr de Germay, petit retour en arrière sur le silence épiscopal qui l’a précédée.
Malicieusement, j’imaginais, le mercredi 22 juillet, le nonce apostolique apeuré soulevant légèrement le rideau d’une fenêtre de son salon princier, regardant d’un œil hostile sept femmes déposer leurs missives dans sa boîte aux lettres , comme les mécréants du village regardaient passer, à travers des persiennes à peine entr’ouvertes, une procession de la Fête-Dieu … Mais le nonce, depuis, les a reçues.
Les évêques français continuent, sauf une exception, de garder le silence face à l’initiative d’Anne. Ce manque de réaction, quand il n’est pas le signe d’une peur spontanée, est évidemment calculé mais finalement ridicule. Calculé chez ceux qui ont parfaitement compris le sens de cette initiative mais qui répugnent à l’ombre de l’idée de céder de leur pouvoir dont ils fondent la légitimité sur des raisons devenues friables – crispation qui fragilise la pertinence de leur calcul puisqu’elle affaiblit leur autorité. Potestas sine auctoritatem, comme on pouvait le dire. Et là est le ridicule, voire le pathétique, puisque, du coup, on se claquemure dans un espace où on n’a plus rien à se dire de crédible et de vivant, où il ne reste qu’à jouer les marionnettes d’un système, certes applaudies par un courant significatif de l’Eglise d’aujourd’hui auquel la nomination toute récente du nouvel archevêque de Lyon donne en quelque sorte un os à ronger.
Je n’hésite pas à dire que l’initiative hardie, résolue d’Anne et des 7 n’est pas sans rapport avec l’intrusion de Jésus passe-muraille aux alentours de Pâques. Mais pour le moment c’est passablement bétonné. Des femmes annoncent une (ré)(in)surrection, font entendre dans un franc-parler ce qui est en réalité un joyeux message, font sonner des trompettes qui bientôt (?) effondreront salutairement des murailles vermoulues, et, avec elles, les petits arrangements, et les turpitudes qu’elles abritaient. Suis-je en train de rêver ou de percevoir ce qui vient ? Je crains qu’il ne faille attendre Godot encore longtemps.
Si j’avais été à la place des évêques (tiens ça me gagnerait-il moi aussi ?), je serais entré dans le jeu. Après avoir relu ensemble le passé une première fois en pleurant, une seconde en riant, nous nous serions demandé, ensemble, comment sortir de l’impasse institutionnelle du moment. Il y a d’ailleurs plein d’idées d’avenir. Mais le personnel épiscopal semble n’avoir pas trop envie de jouer, de se faire partenaire, d’inventer de véritables nouvelles parties. A-t-il a priori peur de perdre ? Si c’est ça il a donc déjà perdu, avant même d’avoir joué. Et pourtant qui veut sauver perd, et qui perd sauve… A-t-il peur des femmes ? Si c’est ça : problème, obligation de soin et d‘examen de soi. Relire aussi l’évangile pour (re)trouver l’équilibre…
Rappelons, pour finir, quelques évidences. La relation de parole nous expose à autrui, de façon inattendue, imprévisible – à l’altérité d’autrui, homme, femme, juif, grec … Nous vivons de toute parole échangée, comme de pain rompu. Si nous nous adressons à quelqu’un nous l’appelons à répondre. A répondre de sa réponse, à se montrer responsable de ce qu’il dit. Ainsi se construit le jeu d’une relation vivante, inventive, créatrice. Et quand le silence est opposé à l’appel, quand on fait comme si on n’entendait pas, comme si la parole de l’autre n’existait pas, ne devait pas exister, alors ce silence est exactement silence de mort.
Le silence épiscopal est assourdissant. Nos frères évêques font sans doute de la théologie, « savent » et disent et prêchent bien des choses sur l’altérité divine, sur l’altérité humaine, sur le respect absolu qui leur est dû, sur l’inlassable attention et réponse à l’ « autre » dont l’évangile se fait le champion. Words, words, words tant que les conduites concrètes ne deviennent pas le lieu de vérité de ces discours. Pour tout dire, je trouve ce silence-là paresseux, irresponsable, violent.