Une ouverture qui s’est soldée par un enfermement
J’ai participé hier, 4 octobre, à la Messe d’ouverture du Synode de la synodalité depuis les derniers rangs de chaises au fond de la place Saint-Pierre du Vatican, parmi le peuple que j’aime, émue de constater de mes propres yeux la foi des gens simples, et me réjouissant de voir qu’il demeure encore de l’espérance et de la joie chez beaucoup, même si, hélas, ce n’est pas le cas de nombre d’autres… la faute à qui ?
J’assiste au synode dit de l’ombre pour donner voix au collectif que je représente ici : l’Association des femmes prêtres romaines (ARCWP sigle anglais).
Cette représentation nous conduit à mener des actions simples et pacifiques pour contribuer à rendre visibles nos ministères et témoigner ainsi, dans la réalité du commun des mortels, que nous portons en nous le désir de partager ce qui « nous brûle à l’intérieur » et nous donne la vie : marcher à la suite de Jésus qui a envoyé la Samaritaine annoncer qu’il était le Messie aux gens de son village et Marie Madeleine proclamer sa résurrection à ses frères. Marcher à sa suite, le faire en ce nom saint, c’est tout pour nous. C’est là que nous puisons notre courage, nos forces ; c’est notre horizon et notre seule destination, car il est bien « le Chemin, la Vérité et la Vie ».
C’est pourquoi j’ai choisi de me joindre à un groupe de femmes courageuses et fortes dans la foi, capables d’aimer jusqu’à se laisser exclure et châtier par un système déjà condamné et révolu qu’il est urgent de réformer si tant est qu’il en soit encore temps. Or c’est urgent ; des vies sont en jeu, celles de ces « petits » que l’évangile nous commande de protéger. Ensemble, nous marchons, femmes et hommes de bonne volonté à l’œuvre pour le Royaume de Dieu avec de pauvres outils de paix : la parole et les symboles, l’amour, le service, la prière…
Ainsi, hier, voulant faire savoir aux personnes à mes côtés qu’une femme prêtre se tenait à leur côté, j’ai enfilé mon aube (la tunique à laquelle toute personne baptisée a droit) et l’étole qui fait état de ma mission qui est d’obéir à l’ordre (c’est cela le sacrement de l’ordre) de servir mes frères et sœurs : « Donnez-leur à manger ».
Un policier de la république d’Italie est arrivé, m’a vue puis a appelé ; d’autres ont accouru et m’ont conduite d’office dans les locaux de la police qui a décidé d’emblée qu’une femme ne doit pas porter « l’habit du clergé » (sic). Tant d’autres tenues et habits, très divers, présents sur la place à cette même heure ne leur ont aucunement paru suspects. Après près de trois heures de délibérations auxquelles ont participé jusqu’à huit policiers, tous de sexe masculin, un procès-verbal a été dressé et mes vêtements ont été confisqués.
Ils m’ont libérée sans savoir que le Christ l’a fait il y a longtemps, justement le jour où il a été arrêté, torturé, dépouillé de ses vêtements et sauvagement assassiné pour avoir dit qui il était, bref, pour blasphème et hérésie. À ce qu’il y paraît, le pharisaïsme macho et hypocrite n’a pas perdu son droit de cité. Il continue de nos jours à faire appel aux forces de l’ordre étrangères pour accomplir la sale besogne, consistant, notamment, à entraver la liberté d’expression et à se focaliser sur la tenue des femmes pour protéger les privilèges du club des hommes en robe.
Je suis en paix, avec, devant moi, un long programme de prises de paroles et d’actions pour les prochains jours avec un groupe de nombreuses collègues et activistes de la justice et l’égalité. Ensemble nous marcherons, nous prierons, nous réfléchirons… Ce synode de la rue, il va bel et bien avoir lieu, nous y donnerons le meilleur de nous et nous verrons bien s’il est de l’ombre ou de la lumière.
Du cœur de qui celle qui se fait appeler mère Église, je vous envoie des bénédictions et toutes sortes de souhaits de paix et de bien, recevez toute ma tendresse et mon regard large et amical « bienveillant et accueillant » comme le pape l’a recommandé dans son homélie.
Votre amie et votre sœur
Christina Moreira Vázquez, le 5 octobre 2023, à Rome, jour du dixième anniversaire de son ordination diaconale (reçue au sein de ma communauté Home Novo à La Corogne, Espagne).