Compte-rendu : Le Comité de la Jupe à Rome pour le Synode sur la Synodalité, 10-11 octobre 2024

Les 10 et 11 octobre 2023, le Comité de la Jupe s’est rendu au Vatican à l’occasion du Synode sur la Synodalité, sur invitation du réseau international Catholic Women’s Council (CWC), en sa qualité d’association membre. Ce réseau mondial compte plus de 60 associations qui défendent la dignité et l’égalité des femmes au sein de l’Eglise catholique romaine. 

Ecclesia for Equality

En marge des débats de la XVIe Assemblée générale ordinaire du Synode des évêques, qui s’est tenue du 4 au 29 octobre à Rome, le CWC avait en effet organisé l’évènement “Ecclesia for Equality”, qui devait être compris comme une extension de l’assemblée synodale : un espace – virtuel, physique, spirituel – où toutes les voix que l’Église institutionnelle réduit au silence pouvaient s’exprimer. En effet, si pour la première fois dans son histoire millénaire, l’Eglise a autorisé les femmes à voter lors de de ce synode (54 femmes au total), cette avancée n’en demeure pas moins frileuse lorsqu’on observe que 90% du collège électoral est encore exclusivement composé d’hommes.

Cet évènement “Ecclesia for Equality” consistait en l’organisation de trois rencontres, ayant toutes comme objectif de recueillir les paroles de femmes engagées pour l’égalité femmes-hommes au sein de l’Eglise catholique, et auxquelles ont pu participer les deux représentantes du Comité de la Jupe envoyées à Rome pour cette occasion, Adeline et Carmen.

Le 10 octobre, le CWC réunit plusieurs femmes représentantes des organisations membres de son réseau, qui étaient originaires respectivement d’Espagne, de Suisse, d’Allemagne, d’Australie, d’Inde, d’Afrique du Sud, du Guatemala, de Colombie et d’Italie. Cette réunion eut lieu dans l’établissement «La Casa internazionale delle donne », haut lieu du militantisme féministe italien. D’autres femmes non-membre du réseau CWC furent également invitées, toutes venant de l’étranger : Nouvelle-Zélande, Etats-Unis…les 5 continents étaient ainsi représentés.

Cette réunion, mixte, s’organisa autour des questions du document de travail du synode l’Instrumentum Laboris, ayant pour but de rassembler à la fin de nos discussions les principales demandes formulées par toutes les associations présentes.  Une discussion très engagée s’ensuivit. Au cours de cette réunion, nous eûmes la chance et le privilège de recevoir la visite de trois femmes participantes au Synode : la Japonaise Sœur Filo Hirota, l’Irakienne Sœur Carolina et la déléguée suisse Helena Jeppesen-Spuhler. Toutes trois purent brièvement partager avec nous leur expérience immédiate du synode en cours.

Sœur Filo Hirota, membre de la commission de préparation du synode mais ne disposant pas du droit de vote au synode officiel, nous a parlé de l’atmosphère chaleureuse et amicale qui régnait dans la salle du synode.  Les évêques avaient demandé à utiliser leurs prénoms au lieu de leurs titres, et pour être moins visibles, la plupart d’entre eux avaient délaissé leurs tenues officielles pour porter leur tenue civile. Sœur Carolina nous a également confié combien elle s’était sentie libre et à l’aise pour parler avec les évêques et même pour défendre son point de vue lorsque cela était nécessaire. Mme Jeppesen-Spuhler s’est dite impressionnée par la franchise et la fermeté avec lesquelles les femmes exprimaient leurs opinions sur les sujets abordés.  Chaque jour, les participants au synode se réunissaient en nouveaux groupes de discussion, ce qui a permis une bonne émulation et partage des idées. Elles nous ont confié que le pape François avait directement participé aux discussions de la table ronde. 

Les principales demandes qui ont émergé des discussions de notre table ronde furent les suivantes : 

  • que les femmes soient reconnues comme égales aux hommes dans les positions de leadership, de prise de décision et de ministère ;
  • la fin de l’attribution du genre masculin à Dieu ; 
  • l’utilisation d’un langage inclusif dans les liturgies, les écrits et les documents de l’Église ;
  • la fin de la corruption dans les tribunaux diocésains pour les mariages ; 
  • la fin de la violence contre les femmes dans l’Église et de la dévalorisation de leur contribution à l’Église ; 
  • que la théologie et l’anthropologie de la personne soit renouvelées, en étant éclairées par les découvertes de la science.

Le lendemain 11 octobre, les organisations membres du CWC, Alliance Égale Catholique, la Ligue suisse des femmes catholiques et le CWC, ont appelé à se mettre symboliquement dans les chaussures des femmes. L’idée était de marcher littéralement dans les chaussures, symboliques, de femmes qui ont été discriminées, abusées ou exclues de l’Eglise catholique, mais aussi de femmes qui vivent leur vocation au péril de leur vie. Cette action, appelé par le CWC #Walkinhershoes, avait pour objectif de rappeler que la synodalité se mesure à l’aune de l’écoute des destins de femmes anonymes et invisibilisées.

Enfin, la dernière rencontre organisée par le CWC prit la forme d’une liturgie de lamentation, de résistance et de guérison pour rendre hommage à toutes les femmes qui, au cours des siècles, ont souffert d’abus, d’oppression et de négation de leur vocation au service de l’Eglise. L’association Roman Catholic Women’s Priests (RCWP) avaient mis leurs locaux à notre disposition pour cette liturgie. 

Des origines diverses, mais toujours des revendications communes

Ces rencontres organisées par le CWC, en plus d’être l’occasion de faire entendre des voix encore trop souvent invisibilisées, nous donnèrent également la merveilleuse possibilité de partager et de mutualiser nos expériences de foi dans l’adversité, nos récits de résilience face aux discriminations de l’institution ecclésiale, mais aussi et surtout d’apprendre de chacune des associations présentes, de découvrir leurs modes d’actions et leurs différentes propositions. Le plus frappant fut la découverte de la similitude des revendications de toutes ces femmes, et ce malgré des contextes culturels très différents et propres à chaque association et à leur pays d’origine. Des revendications qui toutes allaient dans le même sens d’une plus grande reconnaissance du statut des femmes au sein de l’Eglise catholique. 

Cette expérience d’une sororité dans la foi, intergénérationnelle et multiculturelle, et à la fois tellement unie dans l’amour du Christ et dans sa recherche de Dieu, était à l’image de notre Eglise catholique, si diverse mais ne formant au final qu’un seul Peuple, celui de Dieu. C’est que nous avons tenté de vivre et de montrer lors de l’évènement “Ecclesia for Equality”, tout en œuvrant ensemble dans la définition de revendications communes.