« Je suis là au milieu de vous »
C’est au cœur de l’essentiel de notre foi que nous sommes invités à vivre en ces jours de confinement le tridium pascal. Au cœur même de nos existences, à l’écoute de l’Esprit et à l’écoute du monde : rien ne vient déranger ces deux actes et ce, malgré nous. En cette longue nuit et ce long silence, où es-tu Seigneur ? L’angoisse nous étreint, l’avenir quoi qu’en disent les uns et les autres est incertain et notre marche peu assurée « Abba, pourquoi nous as-tu abandonné ? » Qui nous donnera les raisons de vivre ? qui nous donnera du courage, alors que c’est si dur, qu’il fait nuit dans notre cœur, dans notre monde ? Alors, le temps pascal vécu ainsi me redonne d’apprendre avec le Christ de redevenir frère, sœur en humanité de tous ceux qui sont sur nos chemins, avec eux, sans surplomb, en tâtonnant, en cherchant nous aussi, sans plus rien sur quoi s’accrocher. D’apprendre à nous tourner vers le Père en ruminant la Parole, en la laissant faire écho avec ce qui nous arrive, avec ce que nous portons, à l’écoute de ce qu’elle nous dit, en la laissant nous façonner, nous transformer. Apprendre à écouter plutôt que de donner des réponses.
Pâques, en plein confinement, c’est décider, oui, décider : je veux croire, oui, je décide de croire malgré tout que Dieu est du côté de la Vie, que La Vie est plus forte que nos enfermements, nos solitudes, la méfiance, l’absence, le vide. C’est croire que je suis reliée avec ceux qui sont déjà près du Père et qui m’ont précédée sur ce chemin, que je les porte avec moi comme quand je le fais au moment d’entrer dans la célébration pascale, que je porte avec moi tous ceux qui sont sur mon chemin, que je me rends présent à Lui avec tous ceux que je porte et qu’il est bien présent. Je peux l’éprouver là, vraiment au-delà de la célébration, au-delà des évêques, des prêtres, des rites, me voilà renvoyée à moi-même avec les autres et avec Toi, mon Dieu ! obligée de quitter le troupeau, de quitter la place du mouton pour reprendre ma place de baptisée, de disciple !
Je décide aussi de tourner le dos , oui, tourner le dos, à tous ceux qui veulent m’entraîner dans des prières qui réveillent le magico religieux ou le superstitieux tapi dans un coin ou de redevenir spectatrice et dépendante de ceux qui seuls pourraient me faire prier et célébrer parce qu’ils sont prêtres et cela sans le peuple de Dieu ? sans l’assemblée ?
Belle occasion m’est donnée de vivre autrement et dans toutes les dimensions cette eucharistie ; vivre autrement cette communion entre nous : la réalisation du manque, de l’absence, de ce qui fait que nous sommes interdépendants.
Pâques, choisir d’avancer à la suite du Christ vers la Lumière, vers plus de Vie. Avancer en boîtant mais avancer quand même et envers tout ce qui est mort ! et avancer malgré l’inconnu, l’incertitude qui est la nôtre, avancer avec Lui, vers l’autre rive ! Avancer, fragiles, vulnérables, mais tenir debout dans l’espérance, comme le roseau qui plie mais qui se redresse.
Je ne sais pas ce qui va advenir, mais je crois, je sais que la Vie est plus forte ! Que l’amour a comme seule réponse d’aimer jusqu’au bout Cela m’apparaît dans toute sa nudité, dans toute sa sobriété, dans toute sa grandeur, dans un cri, rien d’autre. Présence réelle, fragile : corps du Christ les uns les autres, nous pouvons l’éprouver pleinement dans notre chair, et expérimenter alors dans ce vide qu’Il est avec nous, puisqu’Il nous l’a promis : présence réelle, bien réelle !
« […] Mon calice et ma patène, ce sont les profondeurs d’une âme largement ouverte à toutes les forces qui, dans un instant, vont s’élever de tous les points du globe et converger vers l’Esprit. Qu’ils viennent donc à moi, le souvenir et la mystique présence de ceux que la lumière éveille pour une nouvelle journée. Un à un Seigneur, je les vois et je les aime […] ceux qui viennent et ceux qui s’en vont ; ceux-là surtout qui dans la vérité ou à travers l’erreur, à leur bureau, à leur laboratoire ou à l’usine, croient au progrès des choses, et poursuivront passionnément aujourd’hui la lumière. […] » (La messe sur le monde. Pierre Teilhard de Chardin)
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